Importance de la qualité des revues médicales et problématique des revues prédatrices et illégitimes

Publier des résultats de recherches, des synthèses de la littérature, des points de vue et diffuser toutes formes d’informations médicales et de résultats scientifiques fait partie des missions essentielles des professions de santé, notamment, mais pas seulement, universitaires. Le niveau de ces publications et des revues dans lesquelles elles apparaissent est un élément important de la valorisation des équipes et des promotions de leurs membres. Les institutions auxquelles sont affiliés les auteurs des publications subissent les conséquences de leurs éventuels manquements à l’intégrité scientifique.

Il existe des dizaines de milliers de revues dans lesquelles on peut soumettre des manuscrits pour publication. Leur notoriété n’est pas toujours le reflet de la qualité de leurs procédures éditoriales supposées garantir un haut niveau de fiabilité des publications après examen par les pairs des manuscrits soumis. Il faut rappeler que l’Impact Factor de Clarivate a été développé pour aider les bibliothécaires à sélectionner des abonnements prioritaires et en aucun cas pour apprécier la qualité des articles publiés. Ce critère, en partie falsifiable, est d’ailleurs contesté et progressivement abandonné (lire la Déclaration de San-Francisco sur l’évaluation de la recherche DORA, 2012 et l’Agreement on Reforming Research Assessment, 2022).

 

L’avènement des revues en accès libre (Open Access) dont les frais de publication (APC : article processing charges) sont payés par les auteurs – la voie dite « dorée » de l’accès libre, ou Gold open access – a ouvert un marché dans lequel des revues illégitimes, prédatrices ou complaisantes, se sont infiltrées. Les revues prédatrices sont de moins en moins nombreuses depuis que leur existence a été révélée mais elles existent encore. Par exemple, elles publient tout de suite, sans en avertir les auteurs, un manuscrit soumis et réclament ensuite le paiement des APC, menaçant les auteurs de poursuites judiciaires s’ils ne paient pas. Les revues complaisantes en accès libre après facturation aux auteurs des APC, dites douteuses ou illégitimes (certains les appellent aussi prédatrices – voir https://coop-ist.cirad.fr/publier-et-diffuser/eviter-les-revues-et-editeurs-predateurs/1-qu-est-ce-qu-une-revue-predatrice-ou-un-editeur-potentiellement-predateur et https://ohri.ca/journalology/oss-researchers-and-clinicians), se caractérisent notamment par l’acceptation très rapide et facile des manuscrits soumis dont l’évaluation est bâclée afin de capter au plus vite le versement des APC.  Les manuscrits sont souvent sollicités dans le cadre de numéros thématiques publiés par des Éditeurs basés hors d’Europe mais pas toujours. Elles sont bien plus nombreuses que les revues prédatrices et se sont récemment multipliées. Leur détection est beaucoup plus difficile. Ces revues peuvent être indexées dans des bases de données telles que PubMed ou le Journal Citation Reports de Clarivate. Elles se parent des atours de revues « respectables ». La lutte contre ces dérives s’organise (lire https://lalist.inist.fr/?tag=editeurs-predateurs et https ://www.interacademies.org/publication/predatory-practices-summary-French).

 

Que faire face aux revues prédatrices ou illégitimes ?

Les professionnels de santé, universitaires ou non, sont invités à :

  • ne pas publier dans les revues prédatrices ou illégitimes,
  • ne pas en citer les articles,
  • ne pas participer à leurs activités éditoriales ou de (pseudo)évaluation de manuscrits soumis,
  • ne pas prendre en compte les articles publiés dans une telle revue lorsqu’ils sont inclus par leurs auteurs dans des dossiers soumis à évaluation par les pairs, même de bonne foi.

 

Comment détecter les revues prédatrices ou complaisantes.

Il existe des listes « blanches » de revues considérées comme honorables et « noires » de revues considérées comme illégitimes ou prédatrices (voir https://blogs.ntu.edu.sg/lib-predatorypublishing/whitelistsblacklists/). Cependant la rapidité d’évolution du statut de nombreuses revues, dans un sens ou l’autre, ainsi que la frontière floue entre pratiques éditoriales légitimes et illégitimes (précisément la zone exploitée par les éditeurs incriminés !) rend ces listes incertaines et il est plus approprié de vérifier régulièrement le statut d’une revue donnée.

De nombreuses listes de critères ont été publiées pour identifier les revues douteuses (lire https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-020-01566-1).

Les caractéristiques faisant suspecter qu’une revue est illégitime sont nombreuses (lire https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7520066/#sec-12title) et on peut citer de manière non exhaustive :

  • Le délai très court d’évaluation et de publication avec des évaluations médiocres.
  • Un nom de revue ou un stylisme de site Web proche d’une revue de référence non-suspecte.
  • Des frais peu clairs ou abusifs de soumission, d’examen des manuscrits et/ou de publication.
  • Un site web mettant en avant le processus de soumission et de paiement avec plus d’insistance que celui de consultation du contenu de la revue.
  • Un manque de clarté dans la description du processus d’examen des manuscrits et dans l’application de frais divers.
  • L’absence ou la négligence de la vérification de la conformité éthique et réglementaire de la recherche.
  • Une politique agressive et sans discernement de sollicitation des articles.
  • Une adresse de courriel de contact non-spécifique (par ex. @gmail.com).
  • De nombreuses sollicitations pour inviter à la soumission d’articles pour les numéros à venir ou les numéros spéciaux ou des demandes de participation à des comités de rédaction.
  • Comité de rédaction non connu avec très peu d’information sur l’affiliation de chacun.
  • Des scientifiques internationaux non qualifiés au sein du comité éditorial (ORCID ID et/ou RESEARCH ID non vérifiables), parfois même décédés ou imaginaires.
  • Des fautes d’orthographe dans les articles ou le site Web de la revue.
  • Attribution aux articles d’identifiants d’objet numérique (DOI) inconnus de https://www.doi.org/.
  • L’International Standard Serial Number (ISSN) d’une revue Open Access ne peut être vérifié dans le Directory of Open Access Journals (DOAJ : https://doaj.org/) et/ou le Directory of Open Access Scholarly Resources (ROAD : https://road.issn.org/).
  • Aucune politique de lutte contre le plagiat, de retrait ou de rétractation n’est décrite.
  • Un placement frauduleux du logo du Committee on Publication Ethics (COPE) sur le site web de la revue, sans qu’il appartienne au COPE (https://publicationethics.org/).
  • Revues non rattachées à un organisme savant reconnu.
  • Pas de projet éditorial clair ou plusieurs « Editors » en charge d’un même manuscrit soumis.
  • La revue ne passe pas un examen attentif selon les recommandations du site https://thinkchecksubmit.org/journals/ ou d’autres sites tel le « compass » de l’université de Liège (https://app.lib.uliege.be/compass-to-publish/) ou la bibliothèque de l’Université Erasmus de Rotterdam (https://libguides.eur.nl/informationskillspublish/predatory).

 

 

 

À retenir

  • L’Impact Factor d’une revue n’est pas un critère pertinent pour garantir sa légitimité.
  • Les revues complaisantes sont bien plus nombreuses que les revues prédatrices au sens strict du terme et elles nécessitent une démarche proactive des auteurs pour être détectées, ce d’autant que le statut légitime ou non d’une revue peut changer avec le temps.
  • Ces revues illégitimes peuvent être indexées dans PubMed ou le Journal Citation Reports de Clarivate avec des Impact Factors « élevés ».
  • Le statut d’une revue donnée pouvant changer au cours du temps, il convient d’être réservé sur les listes « blanches » ou « noires » qui ne sont pas constituées par des organismes multiples internationaux.
  • Les professionnels doivent éviter toute citation, toute activité et tout contact lié à ces revues.
  • Se méfier systématiquement d’une nouvelle revue en recherchant proactivement son statut.
  • https://thinkchecksubmit.org/journals/ et/ou https://app.lib.uliege.be/compass-to-publish/ doivent être consultés pour détecter si la revue est légitime avant de soumettre ou évaluer un article, de citer un article ou de rejoindre l’Editorial Board.
  • La conférence des doyens et la CNU Santé tiennent à jour la liste des revues recommandables et mettent régulièrement à jour la liste des revues recommandées en langue française et anglaise dans le champ biologie et santé.

LE GALL Olivier

Office Français de l’Intégrité Scientifique