Les recommandations de l’OIS de l’AP-HP en matière d’autorat

Introduction

Les auteurs et leurs rattachements institutionnels qui apparaissent au début d’un article et dans la notice bibliographique ont un objectif important. Ils permettent aux lecteurs, dont les experts du domaine de recherche ciblé par l’article, de savoir qui a mené la recherche et, si nécessaire, de poser des questions sur les méthodes, les données et l’interprétation des résultats. En outre, un chercheur est généralement évalué, valorisé et promu sur la base des publications scientifiques dont il est auteur. Par conséquent, les auteurs figurant sur les articles doivent représenter de manière juste et précise la personne ou les personnes responsables du travail en question. C’est donc une préoccupation de l’OIS de l’APHP d’établir des recommandations.

 

Recommandations en matière d’autorat et de contribution

Les recommandations établies par le Comité international des éditeurs de revues médicales (ICMJE en anglais), dont l’objectif est de normaliser des règles garantissant l’honnêteté et la rigueur de la recherche scientifique, ainsi que la préparation et le formatage des manuscrits soumis aux revues biomédicales pour publication, proposent des critères d’attribution de la qualité « d’auteur » que l’on peut résumer dans l’encadré ci-dessous :

L’attribution de la qualité d’auteur repose sur les quatre critères suivants :

  1. Contributions substantielles à la conception ou aux méthodes de la recherche ou à l’acquisition, l’analyse ou l’interprétation des données ;
  2. Rédaction préliminaire de l’article ou sa révision critique impliquant une contribution importante au contenu intellectuel ;
  3. Approbation finale de la version à publier et ;
  4. Engagement à assumer l’imputabilité pour tous les aspects de la recherche en veillant à ce que les questions liées à l’exactitude ou l’intégrité de toute partie de l’œuvre soient examinées de manière appropriée et résolues.

 

Pour être auteur, il faut remplir simultanément les quatre critères.

A noter que, de ce fait, toute personne ayant eu des contributions substantielles décrites dans le point 1, doit pouvoir contribuer au critère 2 et doit pouvoir remplir les critères 3 et 4. Ce qui veut dire que son accord est nécessaire pour soumettre, et qu’elle doit pouvoir accéder sur demande à toutes les données et traitements utilisés, comme les autres coauteurs.

Les acteurs qui ont contribué à l’élaboration d’un projet de recherche mais qui ne satisfont pas simultanément les quatre critères de l’ICMJE pour devenir auteurs, doivent néanmoins être explicitement identifiées comme contributeurs, soit dans les remerciements en fin de manuscrit, soit sur la page de titre du manuscrit comme contributeurs/collaborateurs, dans les deux cas avec leur accord. Les contributeurs seront ainsi listés dans PubMed sous le code MeSH [IR]. Les chefs de service/d‘unité n’ont pas légitimité à exiger d’être auteurs des travaux issus de leur service/unité s’ils ne remplissent pas les critères de l’ICMJE.Pour améliorer la transparence de ces contributions, on peut par exemple s’appuyer sur la Taxonomie CRediT (Contributor Roles Taxonomy), résultat d’un projet auquel l’ICMJE a été associé, qui propose 14 types de contributions.

Ces propositions ne sont pas toujours suivies à la lettre par les éditeurs et chaque revue a ses propres critères, mais la tendance est qu’ils se rapprochent de ceux de l’ICMJE (remise à jour chaque année pour certains détails) et des suggestions de la Taxonomie CRediT.

Ces règles proposées a priori doivent être appliquées en s’adaptant au contexte. Elles constituent un cadre de référence conforme à l’intégrité scientifique et elles ont le mérite de fournir un cadre, d’être opposables en cas dune demande de recours sur une contribution, d’inciter à une transparence qui doit s’appliquer dès le début de la mise en place du projet de recherche afin d’éviter, à la fin de l’étude, certains abus comme ceux d’omettre un auteur ou un contributeur ou bien, au contraire, d’ajouter un auteur (de préférence célèbre) qui naurait pas suffisamment contribué projet ou au manuscrit.

 

Animation du projet

Le projet à l’origine du manuscrit doit être porté dès le début par une ou plusieurs personnes.

Plusieurs options sont possibles pour le choix du porteur du projet, mais le plus souvent il s’agira de l’investigateur principal. Idéalement, si cette personne a une expérience limitée, elle pourra être accompagnée par un investigateur principal bis senior (typiquement futur avant-dernier auteur) qui lui permettra de progresser dans le pilotage des projets de recherche et le/la légitimera vis-à-vis de co-auteurs parfois plus âgés.

Il est primordial d’élaborer la liste prévisionnelle des contributeurs au début du projet en consultant, voire en réunissant tous les intervenants potentiels, afin d’éviter les malentendus et les conflits ultérieurs. Bien sûr, les décisions initiales peuvent changer au cours du temps, selon les évolutions du projet, et en prenant en compte le travail réellement effectué par chacun à la fin de l’étude.

Le porteur de projet devra donc, dès le début, préciser le rôle de chacun des contributeurs (futurs auteurs ou non) avec leur accord. Il devra leur permettre de participer activement au suivi des différentes étapes du projet par des réunions régulières et des échanges de courrier électronique. Ce suivi permettra une meilleure mise en évidence de la contribution de chacun à chacune des étapes du projet et une reconnaissance plus objective des coauteurs et contributeurs (concept et design de l’étude, recherche de financement, récolte des données médicales et scientifiques, analyse de ces données, participation à l’écriture, ou la réflexion sur l’écriture des résultats et de leur interprétation).

 

Ordre des auteurs 

Une fois prédéfini qui pourra être auteur ou contributeur, reste à définir l’ordre des auteurs. L’ordre des auteurs dans une publication joue un rôle important de marqueur du mérite scientifique dans de nombreux contextes de recherche, et doit donc être traité avec beaucoup de soin, notamment par souci d’équité. Les conventions de l’ordre des auteurs varient en fonction du domaine de recherche et des pratiques d’évaluation bibliométriques, qui sont assez diverses d’un pays à l’autre ou d’un établissement à l’autre. Il peut donc être recommandé, comme pour les contributeurs non-auteurs, de préciser les contributions propres de chacun dans un paragraphe « Contributions des auteurs » (Author contributions) à la suite de la rubrique Remerciements.

En sciences du vivant, l’ordre par contribution décroissante est très fréquemment choisi[1], à l’exception des derniers auteurs qui ont souvent une place à part (voir plus loin).

Le premier auteur doit être la personne qui a contribué le plus directement au travail, incluant, à la fin, l’écriture de la première version et de la dernière version du manuscrit.

Pour ce qui est des études cliniques, il est fréquent que l’auteur le plus senior n’apparaisse pas comme premier ou deuxième auteur, ce qui permet à des plus jeunes de se positionner et aux seniors de valoriser leur mentorat. Le dernier ou avant-dernier auteur doivent, comme tous les autres, remplir strictement les critères de l’ICMJE. La situation la plus fréquente est que ces dernières places sont réservées à celles ou ceux qui effectuent un compagnonnage du premier auteur par un co-pilotage de l’étude et une co-écriture du manuscrit, le but étant de transmettre un savoir-faire. Si l’implication du plus ancien est moins grande qu’un autre senior, la position d’avant-dernier auteur est plus appropriée et peut permettre de transmettre le relai de la supervision d’une équipe à un senior plus jeune.

Lorsqu’il s’agit de travaux collaboratifs avec d’autres organismes de recherche, les règles de chacun des organismes doivent être prises en compte de manière équilibrée. Il est souhaitable que l’ordre des auteurs de chacune des institutions soit établi en amont. La solution de proposer deux premiers auteurs (et/ou deux derniers auteurs) est parfois utile lorsque, par exemple, la publication est le fruit d’un travail de deux équipes représentées principalement par deux chercheurs dont l’investissement a été équivalent dans des domaines complémentaires, potentialisant ainsi l’intérêt du travail ; dans ce cas, les co-premiers auteurs devraient être listés par ordre alphabétique.

Pour ce qui est de la recherche clinique hospitalière en France, le système SIGAPS valorise les premières et dernières positions en leur attribuant un coefficient multiplicateur de points. Ce système comptable est utilisé par le Ministère de la Santé pour complémenter le financement des hôpitaux et par les institutions chargées de promouvoir le personnel hospitalo-universitaire. La Cour des comptes en a souligné les limites en précisant que « Cette situation peut conduire à un dévoiement du modèle par des pratiques contestables (course à la publication, y compris d’articles de niveau insuffisant) ». Il est contraire à l’intégrité scientifique que les critères SIGAPS soient utilisés pour influencer le fait d’être désigné comme auteur, ou l’ordre des auteurs.

 

Spécificités du statisticien parmi les auteurs/contributeurs 

Dans beaucoup de travaux de recherche la participation d’un statisticien professionnel n’est pas nécessaire car les analyses sont simples à réaliser. En revanche, dans des études complexes et/ou de grande taille, il devient souvent indispensable de faire appel à un statisticien et dans ce cas sa contribution doit être précisée.

Il est généralement admis que le statisticien apporte une « contribution scientifique » dans le domaine de la biostatistique, et donc doit apparaitre comme auteur lorsque :

  • Il participe à la conception de l’étude en développant ou combinant des méthodes statistiques, qu’il a décrites, pour répondre aux besoins particuliers du projet.
  • Il fournit une analyse des données ainsi qu’une interprétation des résultats, ou bien il a révisé le manuscrit pour apporter des alternatives de présentation et de discussion des résultats.

En revanche si le statisticien est seulement sollicité pour une simple analyse de données, il a vocation à être considéré comme un contributeur (voir ci-dessus).

 

Particularité des écrivains professionnels

Indépendamment d’une rémunération, l’écrivain professionnel doit être listé comme auteur s’il répond aux critères établis et que donc son travail a un impact sur la présentation des résultats et leur interprétation en les confrontant à la littérature dans la discussion.

Si en revanche il ne s’agit que d’améliorations linguistiques et rédactionnelles, d’un formatage pour répondre aux exigences du journal, d’une reprise de l’introduction et de la discussion sans implémentation de nouveaux arguments et sans enrichissement bibliographique, il convient de ne le citer que dans les remerciements.

Dans tous les cas toute rémunération et toute interconnexion avec l’industrie doit être mentionnée.

Si le rédacteur médical professionnel souhaite ne pas associer son nom au travail, l’auteur correspondant se devra de préciser que le manuscrit a bénéficié de l’aide d’un service éditorial et la source de son financement car le « ghostwriting » est incompatible avec les principes d’intégrité scientifique.

 

Implication des contributeurs non universitaires et/ou non médecins cliniciens

Le statut du contributeur (Paramédical, Technicien, Praticien Hospitalier non Universitaire, Chercheur non médecin, Responsable d’un résultat de laboratoire biologique ou d’Exploration Fonctionnelle, « Data Scientist », Assistant de Recherche Clinique, Étudiant (Master, Doctorant, etc.), …) ne doit pas influencer la détermination de sa qualité d’auteur ou de contributeur ni sa position dans l’ordre des auteurs. De même, une personne qui a quitté ou va quitter l’équipe de recherche doit être prise en compte pour sa participation au projet de recherche[2]. Bref, seule l’importance de la contribution de chacun(e) doit être prise en compte. La reconnaissance de ces différents métiers ne peut que renforcer les compétences des équipes et services impliqués dans une recherche clinique en les diversifiant. A nouveau, la taxonomie CRediT fournit un guide utile pour décrire la diversité de ces participations.

 

Particularité des études multicentriques 

Concernant les études multicentriques, la principale recommandation de l’OIS consiste à ce que l’investigateur principal s’assure que le représentant de chaque centre ait l’opportunité d’accéder aux critères de co-auteur en lui donnant, s’il le souhaite, l’opportunité de participer aux différentes étapes du projet décrites par l’ICMJE. Cela souligne que les critères élaborés pour considérer la recevabilité d’un auteur doivent aussi être utilisés pour organiser les différentes étapes de ce projet sans défavoriser une équipe par rapport à une autre et permettre à chacune d’elles d’être, à la fin de l’étude, représentée de manière équitable.

 

Auteur correspondant

L’auteur correspondant est souvent le porteur du projet.  Quelle que soit sa place dans l’ordre des auteurs, il s’agit d’une personne qui a la compétence et la disponibilité pour répondre ou coordonner, à l’échelle de quelques mois, les réponses aux questions et commentaires des éditeurs des journaux et aux examinateurs qui ont critiqué le manuscrit initialement soumis ou resoumis. Cette personne restera également sur un terme plus long (plusieurs années) le contact principal de l’équipe pour tout lecteur de la publication. Cela peut être un jeune ou un sénior et certains journaux acceptent plusieurs correspondants.

[1] Dans certaines revues, seul le nom du premier auteur apparaît pour les citations. Dans d’autres, si le nombre d’auteurs dépasse 5 ou 6, seuls les 3 premiers auteurs apparaissent dans les références. Enfin un travail doctoral nécessite d’être premier auteur pour au moins un article scientifique. Apparaître comme premier(s) auteur(s) est donc très important.

[2] Son affiliation sera alors celle de la structure dans laquelle le travail a été effectué avec la possibilité d’une note indiquant sa nouvelle affiliation.

LOFASO Frédéric

PERSONNEL MEDICAL

SAMAMA Marc

PERSONNEL MEDICAL

MANDELBROT Laurent

PERSONNEL MEDICAL

FUNCK-BRENTANO Christian

PERSONNEL MEDICAL

FILLIATREAU Ghislaine

Inserm

LE GALL Olivier

Office Français de l’Intégrité Scientifique